Avant propos

Les élèves de 6ème de l’école Saint Romain gardèrent de l’été 1953 un souvenir épatant. Leur professeur, l’abbé Luxeuil, avait fait le projet de les emmener visiter quelques lieux fameux du grand Languedoc, entre Montpellier et Lourdes. Il y consacra tout le mois de juillet et c’est ainsi que 16 de ses élèves, sur les 18 que comptait sa classe, bénéficièrent de son attention, les 2 absents étant appelés à d’autres activités.
Tour à tour, par groupe de 4 et contre une participation modique, ils embarquèrent dans la 4CV récemment acquise par l’abbé pour parcourir le pays durant une semaine. Ils furent hébergés ici dans un collège que les vacances scolaires avaient libéré de ses occupants, là dans une abbaye ou un presbytère, selon les dispositions convenues.
L’événement leur fut un enchantement : ils n’avaient jamais voyagé aussi loin et ignoraient jusqu’à l’existence des sites et monuments qu’ils découvrirent à cette occasion. Issus de milieux modestes pour la plupart d’entre eux, ils ne purent de longtemps revivre pareille aventure.
Leur professeur avait prévu quatre itinéraires différents, l’ultime étape du retour demeurant toutefois identique pour tous. Ainsi, des villes telles que Carcassonne, Conques, Albi, Rocamadour, Castres, Toulouse, Pau, Lourdes, Foix et leurs beaux monuments, puis des lieux fameux encore comme le Mas d’Azil, le Sidobre, des lacs et des châteaux, furent parmi les objectifs inscrits au circuit respectif de l’une ou l’autre des équipes. 
Le retour les amena tous à découvrir les ruines d’Aleth, les châteaux de Puivert, Arques et Peyreperthuse, l’abbaye de Lagrasse, Narbonne et sa cathédrale, avant de virer vers le nord et St Pons, ultime étape de l’excursion.
À l’issue du temps de scolarité prévu dans ce collège, tous s’égayèrent vers leur destinée propre. Durant de très longues années, ils demeurèrent dans l’ignorance les uns des autres, jusqu’à ce que le hasard un jour les rapproche, deux, puis trois...
Les vieilles gens vous le diront : le temps de la jeunesse n’est pas celui des plus grands voyages. Cela vient souvent plus tard, lorsque l’âge avance et nous presse : c’est alors que l’on s’évade pour franchir des distances folles, que l’on repousse les horizons, qu’on les dépasse, jusqu’à visiter même ce qui n’a jamais été.
Les anciens camarades s’assemblèrent, peu à peu plus nombreux. Leurs rencontres bruissaient d’intarissables échanges : ils avaient tant à raconter. Du chemin qu’ils avaient parcouru, de celui qu’ils avaient manqué et tous sans cesse mêlaient à leurs propos quelques souvenirs d’écoliers, de ce temps qu’ils avaient autrefois partagé.
Quelques-uns parmi eux, et tous âges confondus, se découvrirent un jour une passion commune : ils avaient le goût du mystère.  Les uns, les autres, ils s’avouèrent leur attrait pour le même sujet : une grande énigme que divers auteurs, de leur plume, avaient portée dans l’air du temps. Quelques-uns d’ailleurs partageaient sur l’affaire un sentiment déjà familier, se souvenant l’avoir naguère approchée. Il s’agissait des anciens élèves de cette classe de sixième auxquels leur professeur avait offert une excursion durant le mois de juillet 1953. 
Ils gardaient en mémoire, plus précisément, un moment de ce voyage, une visite, sans doute la plus brève mais celle aussi qui les avait le plus impressionnés. Ils avaient découvert, l’avant dernier jour de leur randonnée, un très petit village, presque un hameau, posé en haut d’une colline où ronflante et besogneuse la 4CV les avait hissés peu avant midi. L’abbé les avait conduit tout au fond d’une ruelle étroite, devant l’entrée d’une église, leur disant à l’instant d’ouvrir:  " Vous allez avoir une surprise ! "
Et quelle surprise ! La porte entrouverte avait laissé pénétrer un trait de lumière qui, à la manière d’un projecteur, avait fait apparaître un monstre tapi.
Tout ici leur avait paru délaissé, la ruelle déserte, quoiqu’il fût plus de onze heures du matin ; l’entrée de l’église vétuste, sa porte ouvrant sur l’obscurité et... cette chose. De longtemps, ils gardèrent le mot et l’image que leur avait inspirée cette première vision : l’entrée d’une niche gardée par un étrange cerbère.
Au-dedans, ce n’était qu’une église de campagne, comme ils en connaissaient d’autres par chez eux. Dans la profonde obscurité veillait le témoin de la présence eucharistique. L’abbé attira leur attention sur un grand meuble : le confessionnal, au pied d’une représentation curieuse, gigantesque :
— Ça, c’est beau !  leur dit-il. Puis, en montrant le Satan posé sur le dallage : mais ça ! Quelle idée ! C’est stupide et unique. Heureusement ! 
En regagnant la vallée, afin de prendre leur repas froid au bord de la rivière et avant de poursuivre leur route, l’abbé précisa les raisons de l’excursion :
— Je vous ai mené voir ça, parce que c’est exceptionnel. Une église gardée par Satan ! Le curé qui a réalisé ces décors devait être un original ! Il a été relevé de sa cure par l’évêché. Ça se comprend !  Pourtant, il paraît qu’il a dépensé autant pour sa paroisse que pour lui-même, de fortes sommes. On dit qu’il aurait trouvé un trésor. Je crois que c’est ça qui a dû lui tourner la tête. 
Les enfants comprirent longtemps après que leur abbé était lui-même fortement intrigué par le comportement de l’abbé Saunière, ce curé qui avait posé la statue du diable à l’entrée de son église. Puis, prenant de l’âge et se souvenant, quelques-uns parmi eux s’interrogèrent à leur tour sur ce qui devint au fil du temps le mystère de Rennes le Château. 
Plus tard enfin, lorsqu’il fut décidé de ranimer l’amicale des anciens de St Romain, l’histoire du curé aux millions s’imposa à eux, tel un nouveau prétexte à leur camaraderie. Ils partagèrent cette passion et la vécurent comme une aventure. Les pages qui suivent en font à grands traits le récit. Les hypothèses proposées sont le fruit de leur collaboration tout au long d’une trentaine d’années environ. La forme romancée et le recours aux dialogues tentent d’en restituer les circonstances. Cet étalement dans le temps explique par ailleurs le volume du document.
La plupart des anecdotes sont authentiques. Le profil des personnages est en revanche imaginaire, de telle sorte que si l’on y relevait quelques ressemblances, elles ne seraient que le fait du hasard. Par ailleurs et quoique ci et là elles puissent susciter interrogations ou révisions, ces pages ne prétendent à aucune démarche de portée scientifique, historique ou doctrinale. Seule y préside l'intention de distraire en remémorant les moments d’une passion qui naquit autrefois d’un souvenir de vacance, un jour de grand soleil.

                                                                    

                                                                              ---------ooooooo---------

.../...  En guise d'épilogue.

  Quelques semaines après l’excursion, nos amis furent invités à la journée "portes ouvertes" organisée par la direction de St Romain à l’occasion de la rentrée scolaire. Quelques-uns, ayant choisi de voyager en train, se retrouvèrent ainsi, un dimanche de septembre au matin, dans le hall d’une grande gare de chemin de fer proche.
Rapidement l’étonnement les gagna. Quoique des jours se soient écoulés depuis la rencontre à Ria, l’évènement et les réflexions échangées là-bas restaient vivaces en leur mémoire. Tellement que ce qu’ils virent autour d’eux, prit soudain en contre point un caractère stupéfiant. Les sons, celui des annonces et celui du piano, le brouhaha, la foule des voyageurs pressés dans son mouvement incessant : tout cela les laissa sans voix.
Avec humour toutefois, ils se donnèrent rapidement le mot : qui, parmi les personnes ici présentes, aurait à l’esprit que chacune des facilités qui agrémentaient leur quotidien – telles justement les performances du transport ferroviaire et jusqu’à cette sonorisation même – devait aux tâtonnements de leurs très lointains ancêtres, découvrant les toutes premières pages d’une science en devenir ? 
Cette réflexion amène la suivante, en guise d’épilogue à ce témoignage : l’énigme initiée à Rennes le Château par le clergé au cours du 19e siècle trouverait-elle un quelconque écho, aurait-elle place et vocation dans notre monde moderne ?
Nous voilà alors à tenter des comparaisons entre le présent et le passé, à imaginer monsieur Saunière se livrant aujourd'hui même à de mystérieux travaux de décoration et d'aménagements. Nous relisons monsieur Boudet, nous recommençons l’histoire.
Ce faisant, force nous est de constater que le rébus arrangé par ces prêtres il y a près de 150 ans ne pouvait pas être résolu par leurs contemporains. Eux seuls, ses instigateurs, en détenaient la clef. La mise en place de l’énigme anticipait en effet sur des lendemains où les moyens qui permettraient son déchiffrage seraient à la disposition du plus grand nombre. Cette discrétion interroge.
N’aurait-il pas été opportun aux auteurs de ces étranges messages, d’argumenter davantage et concrètement la mise en garde qu’ils faisaient à la société, vis-à-vis des nombreux dangers que leur faisaient appréhender les grandes mutations en cours ? Pourquoi une telle réticence ? Une telle prudence ?
Ce qu’à ce jour nous avons traduit de leur démarche suggère une réponse : ils se seraient ainsi refusé de livrer ces vieux secrets à la connaissance de tous, craignant que leur diffusion immédiate ne participe à l’expansion trop rapide du progrès, avant-garde lui-même d’un futur redouté pour ce qu’il ramènerait les conditions d’un désastre passé.
Plus d’un siècle s’est écoulé et nous pouvons désormais progresser dans cette fameuse affaire : thèses, témoignages, matériel informatique, logiciels performants de cartographie et d’astronomie sont à notre portée par l’effet de l’Internet, prodige justement des temps modernes. Mais qu’en est-il parallèlement des dangers pressentis ? 
Vagabondant à travers l’histoire, nos amis n’ont pas manqué de mesurer l’importance des changements survenus notamment depuis ce 19e siècle. Mœurs, modes, méthodes, peu d’aujourd’hui reste comparable à ce qui était hier. Les techniques et les sciences y ont amplement contribué. Nos géniales capacités volent d’une performance à l’autre, jusqu’à nous convaincre que nous pourrions prochainement disposer de l’univers tout entier. 
Sur ce sujet toutefois les avis divergent : les uns voulant préserver la nature telle qu’elle nous fut donnée, les autres souhaitant au contraire davantage la domestiquer ! Tout change. Jusqu’aux valeurs, aux sens des mots même et nombreux sont ceux qui peinent à se situer dans notre monde en mutation. 
Tout considéré, le sentiment nous gagne alors que cette fameuse énigme a bien plus de raisons d’être aujourd’hui qu’elle n’en avait lors de sa création au 19e siècle. À se demander même si elle n’aurait pas été composée et mise en place, en anticipant délibérément en vue des temps présents ? Elle résiste, toute dressée comme un repère et à sa vue déjà reviennent les doutes et les interrogations.
Les amis ont convenu qu’il fallait en poursuivre la fouille, convaincus qu’elle avait beaucoup encore à enseigner. Puis, quelle merveilleuse aventure !
                           
                       


Site créé gratuitement grâce à OnlineCreation.me