Nos amis n'ont pas manqué au cours de leurs investigations de lire et souvent même relire, le curieux livre de monsieur l'abbé Boudet : La Vraie Langue Celtique et le Cromlek de Rennes les Bains. Ils pourront en témoigner : tout du long, monsieur l'abbé y jongle avec les mots, ceux de la langue occitane notamment. Il les fait virevolter, les démonte,  les recompose et les pressure comme pour en extraire jusqu'au dernier suc. Ce n'est pas un jeu, mais un exercice auquel il nous soumet pour que nous le suivions sur la piste qu'il a ainsi préparée afin de nous délivrer la clef de quelque nouveau secret.

L'idée est un jour venue à ces vieux amis de rendre hommage, aussi bien à cet artiste funambule du mot qu'à cette belle langue elle-même, qui nous semble venir du fond des temps : le patois. Qu'il soit provençal ou occitan, de ci ou de là, qu'importe : c'est une même musique. De Maguelone aux Saintes Maries il n'y a que quelques pas, un courant d'air, un soupçon d'accent. Ils ont alors appelé pour ce faire un autre ancien parmi les amis. Lui ne bouscule pas les mots, il les arrange et les fait chanter : c'est un poète. Il se nomme : Luc Meissonnier. Hommage aussi à lui.

Voici un aperçu. Rien n'est encore décidé quant à la suite....

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La  filousoufié  dóu   pacan            La philosophie du rustre       Textes en occitan  (Provençal maritime)

 avec traduction française en regard                                 Luc Meissonnier

 

 « Ai desira escriéure en óucitan. Estènt joueino ero ma lengo preferido. Li disian patouas. Un bèu jour, dei lenguisto saberu l’an tourna bateja óucitan e nous an dit que si n’en foulié pas vergougna. Dins aquéu libre es pas iéu que parli mai moun grand Louis, Fèli e Gaby de Lançoun, lou pastre Rocho, l’espagnóu Vincent, lou troubaire Jan Mari, Sèrgi lou rùssi, Mariò lou mal-astra, lou paire Levrati… Ai coumunica toute ma vido de pèr lou mounde, amè dei gèns d’aquelo meno,  basti de la bèn-voulènci e de la sapiènci milenàri dei peïsan. An eima e soufri à l’obro e va cresien just. »  

« J’ai désiré écrire en occitan car c’est la langue préférée de mon enfance. Nous l’appelions patois. Puis, un jour,  des linguistes  savants l’ont rebaptisée occitan et nous ont dit qu’il ne fallait pas en avoir honte.  Dans ce livre, ce n’est pas moi qui parle mais mon grand-père Louis, Félix et Gaby de Lançon, le berger Marius, l’espagnol Vincent,  Serge le russe, l’infortuné Mario, le père Levrati… J’ai communiqué toute ma vie de par le monde avec des personnes de ce style, bâties de la bienveillance et de la sagesse millénaire des paysans. Ils ont aimé et souffert au travail et ils trouvaient cela juste.»       Luc Meissonnier               Uvéa, d’avoust  2017

 Au Jan Mari Carlotti, lou troubadour, que m’esclarè  la reviraduro en francès e que gramaciéu calourousamen de sa coumpliceta freirenalo.  

 À Jean-Marie Carlotti, le troubadour qui m’éclaira la traduction en français et que je remercie chaleureusement de sa fraternelle complicité.

 Jaussemin d’argènt 2015 per la pouesié óucitano

 Lauréat de l’academié dei jo flourau de Toulouso 2015, 2018          Prèmi Pèire Delbès 2019

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La peiro de carriero

 

 

Estapo  d’uno coumpressien teitouni,

De pòusso agloumerado

Pèr còup d’astre neissudo ?

Sènso  béuta mai predestinado.

 Si negoucié bèn qu’uno peiro chausido.

 

Eisistes en estat latènt de perfeiciounamen,

Lou coumpagnoun escultour t’anantira.

N’es de la peiro coumo de l’uman ?

Leis ome soucitous de l’avenidou an set e fam, 

E soun preoucupa dóu deveni dei sièu.

 

La peiro a gie de counsciènci mai espèro

‘Mé paciènci lou cisèu de l’artiste

Que li baio soun noum, uno direicien nouvelo.

Proujecien de l’escur devè la clarta

Que la destrié de la moulounasso dóu clapas.

 

Lei brau de Long-champ  soun neissu

Dins la peiro blanco de Calissano

Qu’an vist gafa nouestei vièi en Velau

Après lou passo-carriero triounflant de La faro,

Darnièro visien de festo pèr lou paure mesquin.

 

 Frouent clin davans lei brau, lou pople de Marseiho

Rendié d’ounour à la pouarto de-z-Ais.

Leis omes esmougu, la marmaio cantavo,

Lei fremo lagremoua ‘mé lou couar à chamado,

Un esparroun de mai au chantié de la glòri.

 

Lou Coumpagnoun a lisca la peiro sauvàgi.

Sa pèu es linde aro de tóutei lei vergougno.

Pèd  de coulouno eis areste parfèto

Que banejon devè dóu soulèu.

Mai,  frenado en envanc si jougnon au cimié.

 

Campon estirado e centrado à l’imàgi

Deis estremei corps celestiéu que deviron la lus.

Aquèu lue de rescountro sarié noueste en dedins,

Lou que devèn ajougne, fougau dei sentimen,

Liame persounau ‘mé lou principi foundatour.

 

E l’afrèst angulous banejo à la Chéops.

Uno piramido  au cimié d’uno coulouno

Esbarlugo lou proufane. Mounde caouti.

La materi es foundamen.  Bigo plantado au cèu

Vo flècho de gleiso  dins la counoueissènço.

 

Lou pounchu sierve à feri vo à defendre.

Sian enca lun de l’unita, lou travai

Es pas acaba. La piramido coupié Babel

Trouncado dins soun ereicien majestoua ?

Appartèn la respouenso ei peïsan. Sabon elei.

 

 Lou visi es pouda de biais pèr evita

L’estagnacien  que la pluèio bandisse.

De l’aigo estadisso naisse lou mousi.

Evès, la que courre es vivificairis.

Va sabon ‘co leis ome de la terro.

 

Dèu esquiha l’eigagno sus lou bouas.

Gesto simplas d’inteligènci milenàri.

La piramido, tèulisso, es proutecien.

L’obro es acabado, l’esfors a muda lou gres.

As merita la fouant que ti refresco.

 

 

La pierre de carrière

 

 Etape d’une compression tectonique

De poussière agglomérée

Née par hasard ? Sans beauté particulière

Mais,  prédestinée sans doute

Car on ne travaille bien qu’une pierre choisie.

 

Tu existes en état latent de perfectionnement,

Le compagnon sculpteur t’élèvera.

En est-il des pierres comme des hommes ?

Les hommes soucieux de l’avenir ont faim et soif

Et sont préoccupés du devenir de leur progéniture.

 

La pierre n’a pas de conscience mais attend

Patiemment le ciseau de l’artiste

Qui lui donne un nom et une direction nouvelle.

Projection de l’obscurité vers la clarté

Qui la distingue du tas de pierres.

 

Les taureaux du palais Long-champs sont nés

Dans la pierre blanche de Calissane

Que nos ancêtres ont vu guéer à Velaux

Après la traversée triomphante  de La Fare,

Dernier éclat de fête pour les marginaux.

 

 Front incliné devant les taureaux, le peuple de Marseille

Rendait les honneurs à la porte d’Aix.

 Les hommes étaient émus, les enfants

chantaient, les femmes en larmes, tous

s’élevaient au chantier de la gloire.

 

Le compagnon a poli la pierre sauvage et a

débarrassé sa peau de toutes les hontes.

Les pieds de colonne aux arêtes parfaites

Pointent vers le soleil mais freinées dans leur élan

se rejoignent au sommet.

 

 

Elles semblent attirées vers un centre à l’image

Des corps célestes qui dévient la course de la

Lumière. Ce lieu de rencontre serait notre fort

Intérieur, celui que nous devons atteindre,

Foyer des sentiments, lien personnel avec le principe fondateur.

 

 

 La pierre culmine parfaitement comme

le sommet de la pyramide de Chéops.

Une pyramide au sommet d’une colonne, éblouit le profane.

Le monde est chaotique. La matière est fondement.

Jalon planté au ciel ou flèche d’église dans la connaissance.

 

 Tout ce qui est pointu sert à blesser ou à défendre.

Nous sommes encore loin de l’unité.

Le travail de la pierre n’est pas encore achevé.

 La pyramide contre-fait la tour de Babel

tronquée dans son érection majestueuse ?

La réponse appartient aux paysans. Eux, ils savent.

 

Le sarment est toujours taillé en biais

 Pour éviter la stagnation de l'eau laissée par la pluie.

L'eau stagnante cause la moisissure.

Celle qui court est au contraire vivifiante.

Les hommes de la terre savent cela.

 

 

La rosée aussi doit glisser sur le bois. Gestes

très simples d’intelligence millénaire. La

pyramide est une protection, à l’instar d’une

toiture. L’œuvre est achevée. L’effort a métamorphosé la pierre dure.

Tu as mérité la fontaine qui te rafraîchit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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